Depuis la rentrée, le Valais a mis sur pied un projet pilote de formation. Quatorze apprentis boulangers-pâtissiers-confiseurs francophones suivent leur 1re année en école des métiers à Sion. Ils effectuent également deux stages de quatre semaines en entreprise. En 2e et 3e, ils intègrent le cursus traditionnel de la formation duale alliant emploi en entreprise et cours. « Panissimo » a partagé un instant du quotidien de cette première volée. Reportage…
En ce début de matinée de février, le gong retentit dans le hall du bâtiment de l’Ecole des métiers à Sion. Après une première journée de semaine sur les bancs d’école, les 14 apprentis boulangers-pâtissiers-confiseurs de 1re année se retrouvent au laboratoire, dans les sous-sols de l’édifice. Haut blanc et casquette rouge, ils écoutent leur formateur dans un silence quasi-religieux. « Un poste chocolat, un deuxième tartelette et tressage à un pâton »… Philippe Delalay leur énumère les animations qu’ils proposeront au salon des métiers, dans une quinzaine environ. D’ici là, ces activités rythmeront en partie leurs journées. Sa collègue, et compagne, Julia Delalay-Pattaroni rejoint la troupe. Deux groupes sont formés.
Deux salles, deux ambiances
Alors que sept élèves restent au fournil sous la conduite de l’enseignante pour confectionner tartelettes et lapins en pâte, la seconde moitié monte d’un étage pour un cours sur le chocolat. Six filles et un garçon la composent. En guise d’introduction, ils ont le droit à quelques notions théoriques. « Comment travaille-t-on le chocolat ? » « Pourquoi et comment le tempérer ? » « Comment s’appelle la graisse contenue dans le cacao ? », les interroge M. Delalay. Mêlées au ronronnement d’une tempéreuse, les réponses timides et hésitantes peinent à se faire entendre. S’ensuivent des explications sur la provenance de l’aliment. Le professeur les invite à situer Madagascar, le Venezuela, le Mexique. La géographie semble assimilée.
Le chocolat est bientôt à bonne température. Il est temps de se préparer au moulage. Deux apprenties se chargent des emballages et trois des cornets pour réaliser les détails des lapins. En parallèle, deux autres réalisent du sucre rocher, support à des figurines en massepain. « Monsieur, il y a un kilo de sucre pour 300 d’eau ? », questionne l’une d’entre elles. Tout en acquiesçant, Philippe Delalay justifie son choix de teintes pour décorer les stars pascales : « Des personnes affectionnent de nombreuses couleurs ; pourquoi pas. Moi, je préfère ne pas dénaturer le chocolat en utilisant uniquement du blanc et du lait. » Ces précisions données, les jeunes garnissent de touches bicolores les moules translucides.
Formés au moulage
Quelques instants plus tard, leur enseignant les interrompt dans leur application. Il souhaite leur apprendre à couler une plaque de chocolat. A la suite de sa démonstration, il désigne deux volontaires pour répéter la gestuelle. Les premiers gestes sont incertains : le pied parfois un peu lourd sur la pédale de la tempéreuse, la spatule un peu fébrile au moment de racler le surplus. « Je me réjouis de voir à 16 heures l’état de vos vêtements », lâche-t-il avec taquinerie.
Les détails des lapins « ayant tiré », quatre apprentis répartissent de la couverture au pinceau dans les moules. Proactifs, certains prennent des initiatives ; avec plus ou moins de réussite. Une jeune fille munie d’un racloir métallique gratte le surplus séché sur les bords en plastique. « Stop, stop, stop ! » s’alarme le professionnel. « C’était bien joué d’avoir l’idée, (…) mais en prenant un tel objet, tu risques d’abîmer le moule. Il sera ensuite inutilisable. Il faut faire exactement la même chose, mais avec une corne en plastique. » La surprise se lit sur les visages, à l’annonce du prix des récipients en plastique : « environ 48 francs ».
Avec un peu d’appréhension pour la plupart, chaque apprenti remplit sa forme, la tapote, la retourne, la retapote, la contrôle et la pose sur la grille. Les encouragements du formateur donnent le rythme : « Tu le remplis… Plus… Stop… Tu lâches… Voilà, sur la grille… Et tu donnes le bâton à un autre… Bien joué !» Ne souhaitant pas se salir, une jeune tente de se défiler. C’était sans compter sur l’œil et les mots de Philippe Delalay. Comme ses camarades, elle moule finalement son léporidé. Pour sa plus grande joie, l’opération est répétée avant la pause ; ceci afin de fabriquer les socles en deuxième partie de matinée.
Initiés aux impératifs de la production
A l’étage inférieur, flottent dans l’air des odeurs de compotée et de crème vanille. Les cinq filles et deux garçons poursuivent la confection de tartelettes aux pommes et de lapins en pâte au laboratoire. Les protégés de Julia Delalay-Pattaroni élaborent également une recette de viennoiserie pour le Botza. Régulièrement, le centre de formation leur commande des produits. Son chauffeur passe les chercher aux alentours de 11 heures. Grâce à ce procédé, les artisans en herbe ont un aperçu des impératifs à respecter lorsque la marchandise s’adresse à des clients.
L’ambiance et l’énergie engagée ressemblent davantage à celle au sein d’une entreprise. A l’image d’un chef d’équipe, l’enseignante répartie les tâches et oriente ses forces : l’un lamine, un autre finalise des viennoiseries, un autre encore surveille la cuisson des pommes. « Madame, je peux les garnir un peu plus ? » « Madame, je fais quoi avec les hollandais ? » « Madame, que puis-je faire ensuite ? » Le nombre de questions adressées à la minute rappelle cependant l’aspect formatif des lieux. Cependant si des jeunes éprouvent un besoin d’être guidés, d’autres enchaînent les tâches, tout en jetant un coup d’œil à celles de leurs camarades. Les tempéraments se révèlent.
Chocolat ou boulangerie-pâtisserie, les groupes poursuivent leur programme jusqu’à midi et le reprendront après le repas. Il en sera de même les deux jours suivants. « En revanche, nous consacrons le vendredi à des ateliers plus spécifiques et divers. Cela va d’éteindre un feu aux premiers secours, en passant par le pain de seigle », commente Philippe Delalay. La semaine suivante, les thématiques seront interverties ; et cela tout au long de l’année, qui sera entrecoupée de deux stages rémunérés de quatre semaines en entreprise. Dans la majorité des cas, il s’agit des boulangeries-confiseries dans lesquelles les futurs professionnels effectueront leur 2e et 3e année d’apprentissage.
Johann Ruppen
Une année de transition rassurante
A la suite du reportage à l’Ecole des métiers de Sion, entretien avec deux apprentis valaisans en 1ère année de boulangerie-confiserie : Amy Pesci-Daniels, 18 ans, et Jonas Seydoux, 15 ans.
Amy Pesci-Daniels, pourquoi avoir choisi la profession de boulangère-pâtissière ?
Après trois ans de collège à Saint-Maurice (VS), je voulais autre chose qu’uniquement des notes. Je souhaitais un réel résultat, que les gens apprécient mon travail. J’ai fait différents stages et celui en boulangerie-pâtisserie m’a le plus plu. Tous les jours, c’est un peu différent. On n’a jamais la même commande.
Que pensez-vous de cette formation ?
Etant toujours allée à l’école, cela m’a rassuré. Je craignais de ne pas m’habituer à l’apprentissage dual. C’est super intéressant : nous apprenons les bases nécessaires en entreprise et voyons certaines choses plus tôt que d’ordinaire. Les deuxièmes et troisièmes nous disent parfois que nous avons vraiment de la chance.
Avez-vous déjà trouvé une entreprise pour la suite de votre formation ?
Oui, je vais aller à la boulangerie Alphonse Pellet à Uvrier (VS). J’y avais déjà fait un stage avant de commencer l’école des métiers. Du coup, j’y suis retournée dans le cadre du 1er des deux stages de quatre semaines de celle-ci, et c’est à ce moment que j’ai signé mon contrat.
Que comptez-vous faire ensuite ?
Après mon CFC, j’aimerais bien fréquenter une haute école spécialisée pour devenir diététicienne ou alors ouvrir mon propre commerce.
Jonas Seydoux, pourquoi vouloir être boulanger-pâtissier ?
Depuis petit, je faisais des gâteaux avec ma mère. Au cycle d’orientation, il fallait choisir des stages ; alors pourquoi pas essayer en boulangerie. J’ai été à la boulangerie Michellod à Sembrancher (VS) et cela m’a plu. J’ai essayé dans une plus petite boulangerie et c’était toujours le cas.
Que pensez-vous de cette formation ?
J’étais plutôt content d’avoir cette transition entre le métier et l’école. Une année, c’est bien, mais j’aurais préféré une demi-année. C’est peut-être mieux d’avoir un peu plus de temps pour comprendre le fonctionnement de l’entreprise. J’ai parfois l’impression que cette année, ils nous prennent un peu plus pour un stagiaire que pour un apprenti. De l’autre côté, nous avons l’avantage de pouvoir apprendre toutes les bases à l’école.
Avez-vous déjà trouvé une entreprise pour la suite de votre formation ?
Oui, je vais aller à la Gourmandine à Riddes (VS). J’y ai fait tous mes stages.
Que comptez-vous faire ensuite ?
Je pense faire la maturité professionnelle, puis une haute école pédagogique pour enseigner, donner des cours de cuisine au cycle d’orientation, par exemple.
Propos recueillis par Johann Ruppen