Avec le franc fort et l’abandon du taux plancher, les régions limitrophes voient de plus en plus de consommateurs faire leurs courses dans les pays voisins. Cette tendance n’est pas sans conséquence pour la branche. Quant aux solutions, elles paraissent limitées. Tour d’horizon…

Que ce soit en semaine ou le week-end, les consommateurs sont nombreux à se rendre à l’étranger pour faire leurs achats. Il suffit d’observer les files de voitures qui s’étendent entre deux postes de douane. Les denrées alimentaires font partie des articles les plus convoités ; parmi elles : la viande et les produits laitiers. Ceux de boulangerie-confiserie complètent l’assortiment dans les cabas. Précuits ou frais, certains clients profitent de les acheter durant leurs virées transfrontalières. Quelle est la situation dans les cantons romands ? Eléments de réponse avec les présidents des associations…

Genève : manque à gagner de 5 %

« Oui, nous souffrons du tourisme d’achat », lance Eric Emery ; ce que confirment plusieurs boulangers et confiseurs. Pour le président genevois, cela représente un manque à gagner de 5 %. La chance de la branche ? « Travailler avec des produits frais ! » Afin de lutter contre le phénomène, des acteurs de l’économie, des artisans, des agriculteurs, des politiques et des associations ont fondé la Plateforme du commerce (ndla : lire ci-contre). « Son travail consiste à faire entendre les problèmes au Conseil fédéral. Ils ont notamment été reçus à deux reprises par le conseiller en charge des douanes. Le 31 janvier, M. Maurer s’est déplacé pour observer de ses propres yeux le phénomène. »

L’association genevoise met aussi en place une campagne participative afin de sensibiliser le grand public : une étude fondée sur deux semaines d’achat de nourriture de base en France, et deux semaines en Suisse. « L’objectif sera de se rendre compte si cela vaut vraiment la peine d’aller faire ses courses en France. S’ajoute un facteur émotionnel avec l’emploi et les places d’apprentissage qui sont biffés, et qui pourraient concerner un jour les enfants des clients », précise M. Emery.

Le boulanger suggère finalement de revoir la publicité de la BCS de fond en comble, sur le plan national : « Elle doit retourner dans les cantons sous forme de subvention. Chacun d’entre eux à ses propres besoins. »

Jura : entre 10 et 15 % de chiffre perdu

Le président jurassien, Pascal Dominé, qualifie la situation de « difficile ». Son canton partage une frontière avec la France, mais également avec l’Allemagne. « Depuis, le renchérissement du franc, beaucoup de personnes se rendent en Allemagne. Les produits y seraient même moins chers qu’en France. » La perte sur le chiffre d’affaires est estimée entre 10 et 15 %. La sensibilisation et la fidélisation de la clientèle pourraient constituer une planche de salut. Quant aux politiques ? « Le problème, c’est qu’une partie d’entre eux achète aussi à l’étranger », répond M. Dominé.

Neuchâtel : « conséquences minimes »

Le haut du canton de Neuchâtel est davantage concerné que le bas, selon son président Nicolas Perriard. C’est par exemple le cas à La Chaux-de-Fond, comme on le précise à la boulangerie Kolly : « En fin de semaine, nous souffrons du tourisme d’achat en France voisine, à 10 kilomètres. Mais pour le moment, les conséquences sont minimes. »

Vaud : phénomène difficile à quantifier

Avec 140 kilomètres de frontière avec la France, le canton de Vaud connaît depuis longtemps le commerce transfrontalier. « Dans les années 70, des boulangers allaient même pétrir, façonner et cuire leurs pâtes en France », souligne Yves Girard, secrétaire de l’association vaudoise. Le phénomène est difficile à quantifier. « Il suffit toutefois de se rendre dans les magasins français pour observer l’achalandage de pains, et le nombre de plaques suisses sur les parkings. Ce type d’achat relève le plus souvent d’une habitude de consommation ou de sorties ‹ exotiques ›. (…) Aucun discours de responsabilité ne peut l’éviter. Les agriculteurs, les employés de boulangerie ne se gênent pas pour acheter leurs pains en France ! »

Du côté des solutions, communes et cantons devraient favoriser les artisans au lieu de supprimer les accès aux commerces ou inventer des tracasseries administratives et réglementaires, selon le secrétaire. « Combien de fois avons-nous été surpris de voir servir des produits industriels ou alors issus de production à la ferme, dans les cérémonies officielles. »

Valais : problématique marginale

Bien que le Vieux-Pays dispose de frontières communes avec la France et l’Italie, la problématique y est plutôt marginale. « Les consommateurs ont l’habitude de s’y rendre lors des jours fériés ou en fin de semaine. (…) Cela existe depuis longtemps et ne représente pas vraiment une perte importante. Les zones concernées sont des petites villes ou des villages, Simplon-Dorf ou Saint-Gingolph, et non pas de grandes agglomérations, comme c’est le cas à Genève », relativise le président Albert Michellod.

Fribourg : faible concurrence

Pour l’unique canton romand dépourvu de frontières, ce type de concurrence est très faible, même si « certains clients font de temps à autre des achats à l’étranger », comme l’a précisé le président, Didier Ecoffey.

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