Abraham Balaguer (Confiserie Christian Boillat, Saint-Prex) représentera la Suisse lors de la finale des World Chocolate Masters (WCM) qui se tiendra à Paris du 28 octobre au 1er novembre. Il a remporté la sélection suisse fin janvier. Comment l’actuel détenteur du titre et président du jury Elias Läderach (Läderach – chocolatier suisse) juge-t-il sa performance, et quels sont ses conseils?

Quel est le plus grand défi à relever lors de la finale des WCM?
Après près de deux ans de préparation, le plus grand défi a été pour moi de tout réaliser aussi parfaitement que possible le jour J à Paris, sous une énorme pression de temps. A cela se sont ajoutés la pression que l’on s’impose à soi-même, et le fait de savoir que tout peut partir en vrille en deux ou trois jours, ce que l’on ne souhaite évidemment pas.   

Comment vous êtes-vous préparé à la finale à l’époque?
La préparation s’est déroulée en trois temps. Durant environ cinq à six mois, il a d’abord fallu développer diverses créations, élaborer des recettes et perfectionner la pièce d’exposition, tout en essayant de nouvelles choses. Dans un deuxième temps, le travail a consisté à s’entraîner à réaliser le tout dans le temps imparti, à adapter les procédures et à optimiser les processus. Il a enfin fallu préparer, peser, emballer, charger et transporter tout le nécessaire à Paris.

Qu’est-ce qui a été particulièrement important pour vous lors de la préparation?
L’équipe est extrêmement importante lors des préparatifs. A Paris, on doit bien évidemment disputer seul ce concours individuel.  Au début, je me suis posé la question suivante: qu’est-ce que je maîtrise le mieux et le moins? Au moindre doute, j’ai fait appel à des renforts. J’ai eu une super équipe qui m’a beaucoup soutenu.

Quel a été l’impact de votre victoire sur votre carrière?
Cette victoire a été super pour ma carrière – elle a indéniablement constitué un moment fort, professionnellement parlant, qui m’a valu beaucoup d’estime et de reconnaissance, tant en interne, au sein de l’entreprise, qu’en externe.

Quel a été l’impact du titre sur Läderach?
Le titre s’est avéré très utile. A l’époque, le renforcement de notre expansion internationale était à l’ordre du jour. Stratégiquement, cette victoire est donc tombée à point nommé, sachant que le titre des WCM fait sensation à l’étranger surtout. Ce prix très valorisé en Asie et aux Etats-Unis nous permet également de mettre en avant le savoir-faire interne de l’entreprise en matière de chocolat.

Pouvez-vous nous donner un exemple?
Cette victoire nous a aidés à obtenir l’emplacement souhaité pour certaines filiales à l’étranger. J’en veux pour preuve cet exemple: avant le concours, nous voulions ouvrir une filiale dans un centre commercial, un «mall». Nous avons dans un premier temps essuyé un refus de l’exploitant de ce dernier, mais une fois le titre remporté, les propriétaires se sont soudain montrés très ouverts à l’égard de Läderach lorsque nous sommes revenus à la charge.   

Comment avez-vous vécu le fait de faire partie du jury lors de la finale des WCM?
J’ai trouvé très intéressant de me retrouver de l’autre côté de la table pour juger les créations. C’est un avantage d’avoir des experts qui évaluent en fonction de leur expérience du concours. 

Comment évaluez-vous les créations d’Abraham Balaguer lors de la finale des WCM?
Abraham Balaguer nous a emmenés dans un voyage passionnant, en jouant de manière surprenante avec des fruits et des légumes, et en imaginant de nouvelles créations. Ses combinaisons inédites et fascinantes m’ont mis au défi lors de la dégustation. Un beau fil conducteur se retrouvait par ailleurs tout au long des créations, les combinaisons de légumes et de fruits étaient visibles jusque dans la pièce d’exposition. Je tiens à vanter tout particulièrement le snack végétalien, le «Go». J’ai beaucoup aimé la pâte feuilletée végétalienne.

Quel conseil donneriez-vous à Abraham Balaguer pour la suite?
Comme je l’ai évoqué en début d’interview, le plus important pour moi est de s’entourer d’une super équipe.

Au départ, tout est question d’honnêteté. Le candidat doit se poser les questions suivantes en toute sincérité: «Qu’est-ce que je sais bien ou moins bien faire? Quelles sont mes meilleures ou moins bonnes capacités?» Prendre conscience de ses forces et de ses faiblesses permet de cibler ce qui est à parfaire pour remédier à ses lacunes et déficits. Je savais par exemple que la pâtisserie était moins mon fort que le chocolat. J’ai donc demandé de l’aide au pâtissier et gastronome français Stéphane Tréand, qui m’a coaché. Il m’a aidé à développer mes créations et à m’entraîner à cet effet.

Autre exemple: si l’on n’a pas trop le temps de travailler sur toutes les créations, il faut chercher des personnes à même de se charger de certains travaux de développement et de faire des propositions. Il faut vraiment avoir une équipe de soutien active jusqu’au concours et même au-delà, pour le rangement et le transport de retour par exemple.

Une autre chose est très importante: durant une période aussi intense, il faut trouver un équilibre – dans le cadre de sa famille, d’un sport ou d’un loisir. Les concurrents sont un peu comme pour des sportifs… s’ils sont surentraînés, ils risquent de ne pas pouvoir «performer» en concours. Je ne peux donc que leur conseiller de prendre sciemment du temps pour déconnecter. Ces phases de récupération sont de la plus haute importance lors de la préparation.

Elias Läderach

Ce pâtissier-confiseur de formation est membre du conseil d’administration et de la direction du groupe Läderach à Ennenda (GL). Il a été le premier Suisse à remporter les World Chocolate Masters à Paris en novembre 2018, et a présidé le jury de la sélection suisse fin janvier 2022. Elias Läderach est également membre du comité central de l‘Association suisse des patrons boulangers-confiseurs (BCS).

Galerie de photos World Chocolat Masters 2018…»

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