Les cabosses de Porcelana renferment une étonnante particularité : certaines fèves sont blanches. Désireux d’élaborer son propre chocolat de couverture, David Pasquiet est parti à la rencontre de cultivateurs dans le nord du Pérou. Depuis, le confiseur de Crans-Montana utilise un chocolat à base de ces graines au quotidien. Récit…

« Offrir à son entreprise une identité unique et forte, au travers d’un chocolat exclusif de qualité. » Telle est le point de départ qui a motivé David Pasquiet à élaborer sa propre couverture.

Lorsqu’il décide de franchir le pas, le Swiss Chocolate Masters 2013 a une idée bien précise : « Je voulais utiliser la Porcelana. Une partie des fèves de ce cacaoyer est blanche. Leur goût très fruité aux notes exotiques se ressent dans la couverture. C’est un véritable caviar ! » Le confiseur compte travailler ce grand cru non seulement sous forme de tablettes, mais également de ganaches et, surtout, d’enrobage. Autrement dit, il emploiera ce chocolat au quotidien à la place du Maracaïbo ; soit plus de dix tonnes par an.

M. Pasquiet fait part de son souhait à son couverturier habituel. La déception succède rapidement à l’enthousiasme. S’il remplit aisément les deux tonnes qu’imposent les concheuses de l’entreprise schwytzoise, le volume désiré pose problème : « Cette sous-variété de Criollo est rare et se cultive principalement au Pérou et au Venezuela. Il serait alors vraisemblablement très difficile d’obtenir la quantité souhaitée, selon Felchlin. »

Le besoin de connaître les producteurs

L’artisan est convié en Suisse allemande avec son épouse afin de découvrir d’autres propositions de fèves. « Lorsque nous sommes arrivés, ils nous ont fait la surprise de nous annoncer qu’il y avait la possibilité d’obtenir de la Porcelana en quantité suffisante au Pérou. »

Dès le début du projet, le couple voulait vivre une relation proche avec les cultivateurs et découvrir leur condition de travail. « Abricots, framboises… Nous connaissons les producteurs de beaucoup de matières premières locales. Par contre, nous ouvrons des sachets de chocolat, les mettons en machine, les fondons… J’avais besoin de connaître ces gens ! »

« Au milieu de nulle part »

En juin, le couple et sa fille décollent en direction de Piura, située au nord du pays. Jan, un chercheur de fèves les y attend. Cet Allemand de 27 ans travaille avec la coopérative qui collabore avec le couverturier. Aidé d’un local, il les guide à travers la brousse afin de rejoindre les plantations. « En partant, Jan lui-même n’était pas certain de l’endroit où nous devions nous rendre. Perdu au milieu de nulle part, il n’est pas cartographié. »

Après plusieurs heures de 4×4, ils arrivent à Puerta Pulache où les 250 habitants vivent principalement du cacao. Prévenu de la visite des Suisses, le président du village leur laisse sa maison ; la seule avec électricité et eau courante. Durant cinq jours, il dort dans une grange. « Le soir de notre arrivée, nous avons eu le droit à une superbe fête. Sur la grande place, les villageois nous ont proposés à manger et des danses. Ils m’ont aussi fait parler en français, une langue qu’ils n’avaient encore jamais entendue. Jan s’est chargé de la traduction. »

Deux qualités, deux sceaux

Une vingtaine de paysans cultive des plantations, dans le respect de la nature. Elles vont d’une dizaine d’arbres jusqu’à une cinquantaine. « Nous avons travaillé avec eux, participé à la cueillette et à l’ouverture des cabosses. Si le contenu était de bonne qualité, il fallait le mettre dans le seau de droite. S’il était à la limite de la pourriture, c’était dans celui de gauche. Certains industriels en rachètent le contenu ! »

Chaque paysan amène sa cueillette au centre de collecte du village. Le président des planteurs s’occupe d’un premier contrôle de qualité. Les fèves sont ensuite fermentées, séchées et récupérées par la coopérative. « A son tour, elle les contrôle, les analyse et les prépare pour l’exportation. » L’ultime et dernière vérification se fait à Schwytz.

La couverture est confectionnée à partir de cultures de trois communautés. « En travaillant avec une seule d’entre elles, nous aurions pris le risque de ne pas être livrés, en cas de soucis de fermentation, par exemple. » Les trois hameaux se situent dans la région de Las Lomas (les collines, en français) ; nom que le chocolatier a d’ailleurs choisi pour sa création.

Moins d’arômes pour plus d’associations

De retour en Suisse « des images plein la tête », l’artisan travaille sur les recettes à la mi-septembre. Pour le chocolat noir, une fourchette de 0 à 72 heures de conchage s’offre à lui. « Plus il est conché, plus il y a des pertes d’arômes. (…) Comme c’est un chocolat bien puissant, nous avons préféré 72 heures pour le travail de tous les jours. Sinon, cela aurait été compliqué de l’associer à de la menthe ou du poivre, par exemple. » Quant au pourcentage, dans un premier temps à 70 %, il est finalement passé à 69 % Année de naissance oblige !

La version lait se compose de 42 % de cacao. Les 51 % restants sont du lait bio et du sucre de canne bio ; sans lécithine. « Nous voulions travailler de la manière la plus naturelle, directement avec les planteurs et le plus équitablement possible. (…) Notre couverturier s’engage à payer le cacao plus cher que le prix du marché. »

Le coût de l’exclusif

Le haut de gamme ajouté à l’exclusivité a son prix : le chocolatier débourse environ 25 % de plus pour du Porcelana que pour du Maracaïbo. Pas question cependant de répercuter cette différence sur toutes ses spécialités : « Les tablettes seront certainement vendues un peu plus chères, mais pas les autres produits. »

A Crans, à Sion et à Vevey, les spécialités à base de pépites porcelaines envahissent petit à petit les étals de ses magasins, à l’image de sa toute dernière création automnale : chocolat au confit d’airelles et ganache Las Lomas lait aux châtaignes.

Johann Ruppen

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