Le secteur de la boulangerie-confiserie a un nouveau roi: l’«excentrique» Daniel Amrein de Wauwil s’est vu remettre la couronne boulangère 2022 lors du congrès de lundi dernier. «Panissimo» a interviewé l’entrepreneur à succès juste après la cérémonie.
Félicitations! Comment allez-vous?
Merci beaucoup. Je suis totalement surpris. J’avais certes un petit espoir, mais ma partenaire n’y croyait pas trop non plus.
Qu’est-ce qui caractérise votre entreprise?
Nous suivons notre voie de manière conséquente depuis vingt ans. La pensée biologique, l’amidonnier et l’engrain étaient à l’ordre du jour chez nous bien avant que le public n’en parle. Nous avons collaboré avec Pro Specie Rara.
Les gens voient que notre histoire est sincère. Nous ne cherchons pas à faire de gros bénéfices. Nous ne cachons rien. Nous ne faisons pas non plus de publicité pour le fait maison – c’est désuet, nous montrons simplement l’exemple.
Certains restaurateurs célèbrent littéralement votre pain…
Oui, Nenad Mlinarevic, ancien cuisinier de l’année, est notre pionnier. Il a consacré un plat à notre pain dans l’un de ses menus à huit plats, le qualifiant d’«excentrique». Aujourd’hui à la tête de son propre restaurant à Zurich, Nenad joue également un rôle de précurseur dans son établissement. On n’y trouve pas du pain en simple accompagnement de la salade. Non, le pain doit être acheté, le «petit excentrique» commandé. Cela n’était pas imaginable il y a 20 ans, lorsque le pain ne servait qu’à «saucer» l’assiette. Le pain est aujourd’hui célébré!
Vous et les restaurateurs qui travaillent avec vous jouez donc un rôle de modèle…
Oui. Ils exigent évidemment quelque chose en contrepartie. Leur pain est particulier. Pour la gastronomie, tout est préparé à la main. Nous sommes donc limités en termes de taille. La taille standard est de170 gramme pour les pâtons, nous n’allons pas en-dessous. Avec une fermentation de 24 heures, les pores du pain sont très grossiers. L’investissement est grand, mais le prix n’a jamais joué un rôle.
Question indiscrète: que va-t-il advenir des 15’000 francs de prix en espèces?
Chacun des collaborateurs aura droit à un jour de congé payé, et nous allons faire un voyage.
Pourquoi nos membres devraient-ils se porter candidats à la couronne boulangère?
Je ne fais normalement pas de concours, mais la couronne boulangère a une certaine importance. Un comité d’experts statue dans ce cadre, ce ne sont pas les votes du public qui désignent le meilleur boulanger.
Vous êtes un professionnel à succès dans le secteur. Quels sont vos conseils pour nos membres?
Au début, je ne savais pas vraiment quelle était ma voie, par contre je savais ce que je ne voulais pas. De plus, je n’ai jamais voulu plaire à tout le monde. Nous ne discutons jamais de prix avec notre clientèle.
Je pense que vous avez aussi dû augmenter vos prix cette année…
Oui, cette année plus que jamais. Je me souviens que du temps de mon père, on augmentait les prix de 10 ou 20 centimes au maximum. Nous avons créé un dépliant pour justifier l’augmentation massive de nos prix, et je me suis tenu personnellement à disposition pour l’expliquer à nos clients et clientes à notre stand au marché. Et là, j’ai vécu une expérience incroyable: le premier client auquel j’ai tendu le dépliant m’a dit, soulagé: «Dieu merci! J’avais peur que vous ne veniez plus!» Où peut-on vivre une telle expérience? Le client craignait que nous ne vendions plus notre pain au marché. Quelle reconnaissance!
Une communication exemplaire…
Je ne suis pas vraiment un homme d’affaires. Je ne vise pas un rendement maximal, et ne souhaite pas non plus devenir plus grand. Ce que je veux, c’est de l’estime, et j’en ressens depuis près de cinq ans, tout comme la joie des gens. Pendant la période de coronavirus, les clients ont fait la queue pour acheter notre pain, sans la moindre agressivité. J’en ai été très flatté!
Interview: Claudia Vernocchi