Au centre de Payerne (VD), le boulanger-pâtissier Pascal Dubois dirige le 1000 Feuilles. Expert aux examens, cet ancien entraîneur d’aviron et judoka forme des apprentis depuis 2006. La plupart d’entre eux se sont classés parmi les meilleurs du canton. Entretien avec un compétiteur, pour qui la moyenne ne suffit pas…

Né à Payerne, Pascal Dubois fait ses premiers pas dans la branche en 1975. Il effectue son apprentissage de boulanger à Gimmel (VD). Il perpétue ainsi la tradition familiale qui veut qu’un membre de la famille évolue dans les métiers de bouche et ce, depuis 1800. Travaillant pour différents patrons, il quitte le métier durant cinq ans estimant être « exploité ». Il rejoint une entreprise active dans la fabrication du papier photographique. « Je n’aimais cependant pas travailler dans l’industriel. J’ai une mentalité de compétiteur, et il fallait toujours en faire moins, jamais plus. J’avais toujours en tête de me mettre à mon compte. » Il y parvient en 1987. En 2006, il reprend un établissement dans sa ville natale. Débute alors la formation d’apprentis.

Pascal Dubois, combien d’apprentis avez-vous formés ?

Quatre. Deux filles ont terminé première du canton et un garçon deuxième. Une des filles a également obtenu la deuxième place aux championnats suisses. Actuellement, j’emploie trois jeunes en formation : deux en production et une à la vente.

Obtenir de bons résultats avec ses apprentis facilite-t-il la recherche de relève ?

Dès qu’on a su que ma première apprentie est sortie en tête, des parents ont voulu absolument que leurs enfants viennent chez nous. Ils doivent penser qu’ils termineront dans les bons. Ce n’est toutefois pas garanti. J’explique bien aux jeunes que, s’ils veulent faire partie des meilleurs, ils doivent en faire plus que les autres. Chez nous, ils ont tout pour bien faire, après c’est à eux de voir. De mon côté, je n’accepte pas la moyenne. Nous ne pouvons pas fournir une qualité supérieure avec des personnes qui se contentent d’être moyennes. J’attends des apprentis qu’ils s’investissent. Mon but ce n’est pas forcément qu’ils soient premiers, mais qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. S’ils sont dans les cinq, je suis content. (…) D’ailleurs, en fonction de leur investissement, ils ont entre 100 et 200 francs de gratification par mois. Ils ont tout pour bien faire.

Pourquoi avoir choisi de former des apprentis ?

Lorsque j’ai commencé, j’avais environ 30 ans de métier, je me suis dit qu’il y avait peut-être un savoir à transmettre.

Certaines personnes prétendent que cela permet aussi de bénéficier de force de travail à moindre coût…

Il y a peut-être un peu de cela. J’éprouve cependant une réelle fierté à pouvoir former. J’ai trois enfants, j’ai été entraîneur d’aviron et j’ai pratiqué le judo ; où l’idée de transmettre est tout aussi importante. Après, je dirais que si l’on tombe sur de bons apprentis, cela peut rapporter. Par contre avec des moyens, on ne gagne rien, et s’ils sont négligents, on perd beaucoup.

Qu’apportent-ils à l’entreprise ?

De la fraîcheur et une remise en question. Nous oublions que nous avons été jeunes, que nous avons dû acquérir tout ce que nous savons. Ils nous apportent un peu d’humilité. Je me suis rendu compte que j’ai été une peau de vache avec mon patron âgé de 24 ans à l’époque, par exemple. Ils apportent aussi de nouvelles techniques que nous ne connaissons pas.

De quelle manière les recrutez-vous et quels sont vos critères ?

Par tous les canaux. J’attache beaucoup d’importance à la motivation. On se côtoie facilement dix heures par jour. Le contact humain est donc important. Ceux qui répondent à mes exigences, je les convoque pour un stage d’une semaine. Avec l’expérience, je vois en deux ou trois jours s’ils seront bons au niveau manuel.

Vos critères ont-ils évolué au fil du temps ?

Je dirais qu’ils se sont affinés.

Que faut-il pour être un bon formateur ?

Il faut être exigeant et un exemple. Nous ne pouvons pas former des personnes en leur demandant plus que ce que nous faisons. Il faut avoir envie de perpétuer les connaissances de la bonne gastronomie ; surtout lorsqu’on voit la malbouffe actuelle. (…) Chez nous, les apprentis font tout de A à Z. En sortant de notre entreprise, ils savent travailler à tous les postes.

Comment expliquer que les places d’apprentissage se font de plus en plus rares ?

Tout d’abord, il y a de moins en moins de boulangeries-confiseries. Il y a eu aussi des crève-cœurs : des jeunes qui volent ou qui se moquent du travail et de la profession. Au final certains artisans préfèrent renoncer à la formation ; d’autant plus qu’un enseignement correct demande du temps.

L’apprenti d’aujourd’hui est-il différent de celui d’hier ?

La jeunesse d’aujourd’hui sait qu’elle a des droits, mais elle oublie parfois trop souvent qu’elle a aussi des devoirs. Autrefois, ils étaient peut-être un peu plus durs avec eux-mêmes.

Comment envisagez-vous le secteur de demain ?

Il y aura plus d’industriels, car les charges seront trop élevées. Plus l’exigence et la qualité sont élevées plus le bénéfice est petit. Il y aura donc une élite d’artisans. Rare, il faudra la payer plus. Ça deviendra un luxe. Les gens seront d’accord de dépenser 10 à 12 francs les jours de fête, pour une pâtisserie. Les enseignes moyennes, petites ou mal placées disparaîtront.

Propos recueillis par Johann Ruppen

Cela pourrait aussi vous intéresser