Les droits de douane imposés par les Etats-Unis à la Suisse ont également des répercussions sur les entreprises du secteur, en particulier celles qui exportent vers ce pays. Panissimo a voulu savoir comment la situation actuelle affecte leurs activités et quelles sont leurs attentes pour l’avenir.
La hausse des droits de douane américains a de lourdes conséquences pour le fabricant de chocolat genevois Canonica. L’entreprise a en effet ouvert ses propres boutiques de chocolats aux Etats-Unis, notamment à l’aéroport de San Francisco. Les ventes de chocolats Canonica fabriqués en Suisse représentent environ 30 % du chiffre d’affaires, explique le PDG Vincent Canonica dans un courriel. «Il ne nous est pas possible de modifier le concept existant sans l’aval des autorités aéroportuaires car l’attribution de ces boutiques a résulté d’un appel d’offres.» Les marges dans le domaine alimentaire sont assez faibles. L’entreprise ne peut pas réduire ses marges pour absorber la hausse des droits de douane, qui sont passés de 6 % à 8,5 % (selon qu’il s’agisse de chocolat au lait ou de chocolat noir) à 10 % en avril puis désormais à 39 % à partir du 7 août.
Canonica: l’espoir d’un nouveau résultat des négociations
Cette augmentation drastique des droits de douane aura un impact sur les activités de Canonica, tant aux Etats-Unis qu’en Suisse, puisque 15 % de la production artisanale totale de chocolat y sont exportés.
Vincent Canonica explique que la baisse probable des ventes, due à la cherté du produit, sera suivie de près. «Nous allons devoir augmenter nos prix de vente pour absorber la perte de marge et observer le comportement du consommateur final. A ce jour, nous n’envisageons pas de nous retirer des Etats-Unis. Nous espérons tout d’abord que les autorités suisses renégocient avec l’administration Trump des conditions commerciales se rapprochant de celles de l’Union européenne ou du Lichtenstein, et soutiennent le savoir-faire suisse afin de contribuer à réduire l’impact pour les entrepreneurs suisses œuvrant dans l’artisanat.»
Si les autorités suisses n’agissent pas dans ce sens, Canonica n’aura probablement pas d’autre choix que de retirer ses chocolats suisses du marché américain. Cette décision aura évidemment des répercussions sur l’entreprise et le personnel qui participe à la fabrication et à la vente de ces produits aux Etats-Unis.
Lindt & Sprüngli: alerte levée
Chez Lindt & Sprüngli (Kilchberg/ZH), l’alerte est levée. Selon les informations fournies par le service de presse, les droits de douane américains plus élevés n’ont qu’un impact limité: «La grande majorité des produits Lindt vendus aux Etats-Unis sont fabriqués localement dans notre usine de Stratham, dans le New Hampshire. Les produits provenant d’Europe ne représentent qu’une petite partie de notre volume total aux Etats-Unis.»
Läderach: stratégie inchangée
Selon Läderach AG (Ennenda/GL), les droits de douane ont évidemment un impact, car le chocolat haut de gamme est produit exclusivement en Suisse. Cependant, ces droits de douane ne s’appliquent qu’aux marchandises produites en Suisse. «Comme nous distribuons nos produits exclusivement via nos propres canaux de vente, une grande partie de la valeur ajoutée est générée aux Etats-Unis.» Cela comprend notamment les 500 collaborateurs et collaboratrices américains, les investissements et les loyers des succursales, la logistique locale et le marketing. L’évolution actuelle est suivie de très près. Aucune décision n’a encore été prise concernant une augmentation des prix. Interrogé par le journal Südostschweiz sur l’impact des derniers droits de douane sur le label Swiss made de Läderach, Johannes Läderach, CEO du fabricant de chocolat et président de la Chambre économique de Glaris, a répondu: «Non, notre stratégie reste inchangée. Nous continuerons à produire exclusivement en Suisse, dans le canton de Glaris. Et nous ouvrirons d’autres succursales dans le monde entier, y compris aux Etats-Unis.»
Max Felchlin AG: analyse et évaluation
La société Max Felchlin AG, sise à Ibach (SZ), est concernée par les mesures prises par les Etats-Unis. «En tant qu’entreprise suisse produisant des denrées alimentaires de haute qualité et exportant vers plus de 34 pays, dont les Etats-Unis, nous sommes concernés par les décisions douanières du gouvernement américain», déclare Dominik Stocker, responsable du marketing et de la communication. Compte tenu de l’évolution constante de la situation, celle-ci est actuellement analysée et les options d’action sont évaluées. «Il est toutefois encore trop tôt pour parler de mesures concrètes et de répercussions.» L’entreprise est en contact étroit avec ses partenaires commerciaux locaux afin de trouver une solution commune.
Carma: non concerné
Une filiale de Barry-Callebaut, les dispositions actuelles ne concernent pas son entreprise, selon Sara Thallner, porte-parole du fabricant de chocolat Carma (Dübendorf/ZH),: «Carma produit pour le marché local ainsi que pour d’autres marchés, mais pas pour les Etats-Unis.»
Daniel Bloch, directeur de l’entreprise Camille Bloch (Ragusa/Courtelary/BE), a fait une proposition explosive dans le Tages-Anzeiger. Il demande que la Confédération prenne en charge 20 % des droits d’importation. Selon lui, le chômage partiel ne suffit pas pour son entreprise. Il craint en effet de perdre l’accès au marché américain. Les associations économiques rejettent toutefois cette demande.
Les membres de la BCS que nous avons interrogés, à savoir la pâtisserie-confiserie Moutarlier Sàrl (Noville/VD), Tristan Carbonatto Chocolatier Sàrl (Perroy/VD), Chocolats Blondel (Lausanne/VD) et la Confiserie Sprüngli (Zurich), ne commercialisent pas leurs produits aux Etats-Unis. «Nous n’expédions plus de produits aux États-Unis depuis un certain temps déjà. Les droits de douane actuels n’ont donc aucune incidence pour nous pour le moment. Nous surveillons toutefois le marché de très près afin d’être prêts si la situation venait à changer», nous a écrit le service de presse de Sprüngli. Les droits de douane n’ont pas non plus d’incidence directe ou indirecte sur l’activité de la pâtisserie-confiserie Moutarlier Sàrl, qui nous a communiqué ce qui suit: «Nous n’exportons pas vers les Etats-Unis. À l’heure actuelle, nous ne prévoyons pas de nous développer sur le marché américain. La politique commerciale actuelle n’a donc aucune influence sur notre stratégie.» Bastien Polli, de Chocolats Blondel, nous a écrit que l’entreprise n’avait aucun contact direct avec les Etats-Unis, ajoutant que la situation était bien sûr suivie de près, mais qu’aucune mesure particulière n’avait été prise.
Nous avons également contacté par e-mail les entreprises suivantes, sans recevoir de réponse: Chocolat Faverger (Genève) et Confiserie Teuscher (Zurich). Cette dernière a récemment fait l’objet d’un article dans la NZZ. «Jusqu’à présent, les Etats-Unis étaient le marché le plus important pour Teuscher», peut-on lire dans cet article. La production doit désormais être réduite. L’entreprise possède huit succursales aux Etats-Unis, dont un magasin sur la Cinquième Avenue à New York.
Texte: Claudia Vernocchi
Photo: Archiv Panissimo, retouchée
Confiserie Bachmann: «Nous ne perdons pas de marché, nous gagnons en position»
L’entreprise familiale lucernoise Confiserie Bachmann envoie un signal fort en réaction aux droits de douane américains: elle cesse d’exporter ses «Schutzengeli» aux Etats-Unis, ce qui lui vaut une grande attention, une reconnaissance et une large solidarité.
Des médias tels que Blick, 20 Minuten, TeleZüri, Tele 1, Tages-Anzeiger et SRF ont relayé le boycott des exportations des «Schutzengeli», et même le célèbre Wall Street Journal en a fait état. «La grande solidarité, les encouragements et la confiance nous touchent plus que les mots ne peuvent le dire», confie à Panissimo Matthias Bachmann, membre de la direction.
Pour Bachmann, les droits de douane de 39 % sur le chocolat suisse ne sont pas qu’un problème économique. Ils constituent une boussole morale: «Ce n’est pas le moment de faire des compromis», tel est le message clair. L’arrêt immédiat des exportations vers les États-Unis, tant dans la boutique en ligne que dans le commerce B2B, n’est pas un calcul économique, mais un message: «Nous ne perdons pas de marché. Nous gagnons en position.»
Entreprise de quatrième génération, Bachmann est responsable de 746 collaborateurs et collaboratrices, ainsi que de leurs familles, et se sent obligée de défendre ses valeurs. «Nous ne sommes pas au service d’un président, nous sommes au service de nos convictions», souligne Bachmann.
Un symbole qui vaut plus que le chiffre d’affaires
Les «Schutzengeli», qui font partie intégrante de la gamme Bachmann depuis des années, sont un signe d’espoir, de chaleur humaine et de respect. «Nos «Schutzengeli» n’ont pas besoin de déclaration douanière. Ils ont besoin d’une position claire, et c’est exactement ce que nous affichons avec fierté», conclut Matthias Bachmann.
Confiserie Bachmann stoppt Export in die USA (Tele Züri)
Bachmann stoppt den Schoggi-Versand in die USA (20min)
Schoggi-Branche warnt wegen Donald Trump: «US-Ausstieg realistisch» nau.ch
https://www.confiserie.ch/bachmann/uploads/pics/user_upload/TheWallStreetJournal_Bachmann.pdf